🥮 Proust - Springsteen? C'est du Rock!
🌍 Article public
(Photo : Flexo)
Bonjour les vieux!
Dimanche 21h59, par un heureux hasard, je me retrouve sur la plaine de Werchter pour le TWClassic.
Le soir tombe doucement, le ciel est chargé, la tension monte, nous sommes 60.000 âmes à attendre un vieil homme de 73 ans. A dire vrai, près d’un an auparavant, les 60.000 tickets se sont vendu en à peine 45 minutes. Mais quel boomer hétéro-cisgenre vilain tout plein peut bien rassembler autant de gens ?
Des années que mes amis me tannaient pour aller voir le Boss en concert. Bruce Springsteen donc et son fameux e-street band. Une section de cuivre, deux pianistes, un percussionniste, un batteur, trois guitaristes, un bassiste et 4 choristes. Sans oublier, le bon vieux Bruce… 22 heures passées de quelques minutes et voilà que tout ce beau monde déboule sur la scène sous les cris du public précédemment chauffé par Simply Red.
Bruce a pris. Ses traits se sont affaissés, sa voix est un rien plus faible comparé à sa légendaire vidéo de son concert de Leipzig en 2013 où il reprend à la volée le titre « You never can tell » après à peine quelques minutes seulement de mise au point avec ses musiciens. D’ailleurs, je vois bon nombre de petits panneaux en carton sur lesquels sont inscrits des titres de chanson. Ils surgiront ça et là durant la soirée.
Bruce a pris. Oui. Mais il enchaîne ses chansons avec une énergie folle et un talent fou. Ne laissant même pas le temps aux gens de l’applaudir. Il prend visiblement son pied avec ses musiciens. Cette complicité n’est pas feinte et le public ressent. Nous ondulons tous avec un petit sourire béa sur le visage et ce malgré les petites averses. C’est ce qui s’appelle savoir danser sous la pluie.
(Photo : Flexo)
A ma gauche, un homme d’une cinquantaine d’années avec ses deux fils de 14 et 18 ans. Il sont visiblement en plein moment père-fils. Ils se cherchent du regard pour se faire des clins d’œil complices lorsque arrivent leurs chansons préférées. A ma droite, une femme seule, la cinquantaine, avec un élégant panama se déhanche, me souriant avec fausse timidité. Tout le monde semble être sur un petit nuage. C’est intéressant de voir à quel point ma génération est absente de cet événement. Il y a des quinquagénaire, des sexagénaires aussi évidemment mais également beaucoup d’adolescents et de jeunes adultes. Je me demande bien pourquoi ce saut de génération…
Seul un agaçant duo de mimbo imbibé, chemises ouvertes, gâche un peu le paysage. Ils se croient obligé de beugler bêtement « That’s right Bruce » à chaque fin de refrain. Malheureusement, le mauvais goût, même extrême, n’est pas encore une raison suffisante pour être évacués du festival manu militari par les sorteurs. Mais où est passé la fameuse rigueur flamande ?
La pluie s’intensifie un peu, mes voisins ont sorti leur K-way. «Prove it all night » commence et bientôt le saxophoniste (Jake Clemons) quittera son estrade qu’il partage avec deux trompettistes, un autre saxophone et un tromboniste pour rejoindre le Boss à l’avant-scène. Bon sang quelle énergie dans ces solo guitare-saxophone ! Ils savent y faire les bougres.
(Photo : Flexo)
« Kitty’s back » commence et les fesses si bien emballées de la quinquagénaire à ma droite se rapprochent de mes jambes. 3, 2, 1 contact. Regards... C’est un morceau un peu jazzy avec un solo de piano somptueusement interprété par Roy Bittan. Ce type a joué pour Bowie, Dylan, Dire Straits, Peter Gabriel, Lou Reed… Tous les musiciens du groupes sont chevronnés. Ils semblent manier leur instrument avec une facilité déconcertante, comme s’ils étaient né avec. La quinquagénaire remet le couvert en collé-sérré. On s’amuse bien... Les premières notes de « Because the night » arrivent.
Il s’est passé quelque chose lors de « Born to run » . J’ai compris à ce moment-là à quel point ce concert était exceptionnel pour un spectateur lambda comme moi. Tant de talent, tant d’énergie, tant de générosité sans tirer toute la couverture à soi. C’est le succés de toute une équipe. Les yeux arrondis du batteur Mighty Max qui se concentre et donne tout... La bonne bouille de Stevie Van Zandt et sa complicité avec le Boss… Est-ce que ça valait 172 euro pour y assister dans le golden circle ? Tout à fait. Je suis ruiné mais heureux. Ce moment vous est offert par Cofidis.
(Photo : Flexo)
Il est 00h15 et mes amis, qui ne sont pas dans le « golden circle » (bande de pauvre), me contactent car les bouchons pour sortir du festival sont également légendaires et qu’il faut donc penser à bouger notre couenne vers la voiture qui attend sagement dans les champs. « Dancing In The Dark » sera le signal du départ.
Je rassemble mes émotions déployées pour pouvoir me frayer un chemin parmi les spectateurs. Certains ont les yeux humides. D’autres se dandinent lentement dans les bras l’un de l’autre. Mais tous sourient en fredonnant. Je longe les échoppes - sur lesquelles se vendent des bières à 8 euros - pour rejoindre la sortie. Même les bénévoles des barrages d’entrée font silence pour écouter. Mais de la où ils sont, il ne peuvent que contempler un écran géant en restant debout. Sur la pelouse, certains ont fini par se poser sur une couverture pour se contenter d’écouter sans voir. Il auront déboursé plus de 110 euro pour ça.
Sur les 2 kilomètres qui me séparent du parking et que je parcours à pied, il y a déjà un peu de monde. Il règne une ambiance silencieuse car nous écoutons le très funky « Tenth Avenue Freeze-Out » qui résonne au loin. Nous marchons dans le noir au milieu de la route, heureux et fatigués. Il est plaisant de constater que la culture américaine puisse encore, parfois, offrir quelque chose d’aussi qualitatif.
J’aperçois quelques fans de Classic 21 avec un t-shirt spécialement confectionné pour le concert et qui rend hommage à feu Éric Laforge. Cette très belle voix de radio qui a accompagné tant de nos petits matins. Le pouvoir de la radio… Encore un truc de vieux.
On risque de voir Bruce plus souvent en Belgique. Sa fille Jessica fait dans le canasson. Du jumping pour être précis (médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2021). Elle s’entraîne du coté de Meise. Il se dit que le Boss traîne dans certains vieux cafés aux alentours de la place de Louvain. Sans sa guitare et sa chemise ouverte, il est incognito. Finalement, il ressemble à tous les autres vioques du bistrot.
Je vous laisse je vais au concert de Depeche Mode… Bon cycle ! « I’ll see you in my dreams »
(Photo : Flexo)
La setlist complète du concert se trouve ici